*Document ci-dessous extrait du rapport du Groupe d’études « Condition animale », présidé par Loïc Dombreval, Bien-être équin, recommandations pour les Jeux Olympiques de Paris 2024https://mediatheque.ifce.fr/doc_num.php?explnum_id=26799&fbclid=IwY2xjawEDJFpleHRuA2FlbQIxMAABHWrJX0A4g1DMT_p5WgDjHXy8Ft6QK0fH9Of1RTf4s4Gl5SwkbngfjvH9Kw_aem_YEEDxpm7IeXw6kuhjdDECg
V. Les soins et les contrôles vétérinaires
La loi n°2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les Hommes, et plus particulièrement son article 21 proposé par Mme Martine Leguille-Balloy, députée de la 4ème circonscription de Vendée, permet enfin la traçabilité de la névrectomie. Cette pratique, en masquant artificiellement et dangereusement la douleur, est considérée comme une forme de dopage. Elle est interdite en compétition car elle peut entraîner des conséquences dramatiques pour le cheval : la perte de sensibilité de son membre modifie sa perception de l’effort et peut conduire à des fractures de fatigue ou à l’aggravation de lésions.
Le Docteur vétérinaire Franck De Craene, expert équin français, a milité pour qu’une loi rende obligatoire la mention de toute intervention médicale ou chirurgicale de ce type sur le document d’identification de l’équidé pour les chevaux français. Ce n’est toutefois pas le cas pour les chevaux étrangers qui viendront aux Jeux Olympiques.
Précisons toutefois que la FEI a tenu compte de ce problème : pour la première fois, les chevaux de la course d’endurance d’AlUla en Arabie Saoudite le 29 janvier dernier ont fait l’objet de tests de sensibilité pratiqués par la docteure vétérinaire Morgane Schambourg qui travaille depuis longtemps à la mise au point d’un système de détection de la névrectomie. Il faudrait donc un certificat vétérinaire pour attester que ces chevaux n’ont pas subi cette intervention ou prendre le risque qu’ils ne répondent pas à des tests de sensibilité qui amèneraient à la disqualification.
Recommandation n° 19
Rappeler Ă tous que la lutte contre le dopage Ă©quin est la prioritĂ© de toutes les compĂ©titions internationales, et que le règlement interdit l’accès des Jeux Olympiques aux chevaux ayant subi tout type de nĂ©vrectomie, Ă tous les niveaux, qu’elle soit chimique ou chirurgicale.
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Principalement utilisé en endurance pour l’instant, le test d’hyposensibilité consiste à dépister les chevaux qui ont subi un traitement destiné à diminuer leur sensibilité à la douleur au niveau de leurs membres par une anesthésie tronculaire (soit définitive par section chirurgicale ou temporaire avec les blocs anesthésiques de troncs nerveux) afin que les chevaux ne s’arrêtent ou ne diminuent pas leur cadence avec la douleur.
La thermographie est Ă©galement un outil prĂ©cieux, puisqu’il permet d’Ă©valuer les diffĂ©rences de tempĂ©ratures de surface de la peau du cheval en mettant en Ă©vidence des signatures thermiques chaudes et froides sur des zones corporelles. Les variations thermiques ainsi que les dissymĂ©tries sont autant d’indices qui permettront d’aider Ă suspecter d’éventuelles pathologies ou traumatismes. Les signatures froides peuvent ĂŞtre liĂ©es Ă d’éventuels dĂ©fauts de vascularisation liĂ©s Ă la prĂ©sence d’œdèmes, hĂ©matomes, ou abcès (existant ou en formation). Les signatures thermiques chaudes, elles, prĂ©cisent des zones d’inflammations (ex : dorsalgie, tendinites…). Elle permet aussi la dĂ©tection d’utilisation frauduleuse de produits rubĂ©fiants.
Enfin, les tests d’hypersensibilité mettent en évidence une sensibilité exacerbée des membres du cheval obtenue grâce à des produits sensibilisants qui rendent très douloureux chaque toucher de barre et poussent le cheval à ne pas les toucher lors de ses sauts.
Tous ces tests nécessitent une validation scientifique, notamment de leur sensibilité (taux de faux négatifs) et de leur spécificité (taux de faux positifs) avant les Jeux Olympiques de Paris 2024.
Recommandation n° 20
Multiplier l’utilisation aléatoire des tests d’hyposensibilité, d’hypersensibilité et de thermographie pour contrôler au moins 10% des chevaux après chaque épreuve.
Travailler à optimiser et faire valider ces tests comme parfaitement fiables, standardisés (spécificité et sensibilité) et reproductibles en amont des Jeux Olympiques 2024.
Imposer un examen clinique vétérinaire et un test de contrôle antidopage sur tout cheval positif à un de ces 3 tests et prévoir la disqualification du couple.
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La lutte antidopage chez les sportifs humains recommande de réaliser 20% des tests pendant les compétitions et 80% en dehors. Il faudrait appliquer ce principe aux sports équestres.
Recommandation n° 21
Faire un suivi longitudinal des chevaux en préparation pour les Jeux Olympiques et prévoir des prélèvements anti-dopage entre 1 mois et 15 jours avant la visite vétérinaire en amont des épreuves.
Les chevaux participant aux Jeux Olympiques ne doivent pas présenter de pathologies de l’appareil locomoteur en phase clinique qui doivent être gérées suffisamment en amont. Les chevaux ne doivent donc pas recevoir d’injections intra articulaires dans les semaines précédant les épreuves. S’ils sont encore pathologiques deux semaines avant le début des épreuves, ils ne doivent pas y participer.
Recommandation n° 22
Interdire toutes les injections intra-articulaires, quelle que soit la nature du produit, 14 jours avant le début officiel de la compétition et jusqu’à la fin des épreuves, sans dérogation possible.
La lutte antidopage mais aussi la réduction maximale de l’administration de médicaments même autorisés est un des piliers du bien-être équin sur des chevaux physiologiquement sains. Diverses mesures de contrôles sont à mettre en œuvre ainsi qu’une prise de conscience de la surmédicalisation de ces athlètes avant et pendant les compétitions.
Recommandation n° 23
Imposer la tenue à jour du FEI Medication Logbook (registre des soins et des traitements médicamenteux administrés au cheval tout au long de sa carrière) et présenter celui-ci lors du contrôle vétérinaire avant les épreuves.
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La détention de médicaments, seringues et aiguilles sont interdits par le règlement FEI/EADMCP mais malgré cette interdiction de très nombreux médicaments circulent sans cesse dans les écuries pendant les compétions. Il faut les rendre inaccessibles de façon certaine.
De plus, il ne devrait pas y avoir de dĂ©rogation au droit national au niveau des lois et règlements notamment en matière d’exercice vĂ©tĂ©rinaire et d’utilisation des mĂ©dicaments.
Recommandation n° 24
Veiller à ce que tous les médicaments apportés par les vétérinaires traitant et/ou d’équipe soient bien contrôlés dès leur arrivée et à la sortie, tracés par la tenue d’un registre contrôlé, administrés exclusivement à la clinique et uniquement lorsque nécessaire par les vétérinaires traitants habilités, sous la responsabilité de la commission vétérinaire FEI.
La FEI dispose de cinq laboratoires agréés qui effectuent des analyses d’échantillons de chevaux testés dans le cadre du programme mondial de lutte contre le dopage et de médicaments contrôlés équins lors d’événements FEI. Tous les laboratoires agréés ne sont pas forcément équivalents et d’autres laboratoires novateurs sont arrivés sur ce secteur depuis l’octroi des derniers agréments. Il faudrait refaire un état des lieux dans ce domaine et tester ces différents laboratoires en aveugle sur différents prélèvements testés positifs à diverses substances. De nouvelles substances dopantes peu détectables apparaissent régulièrement.
Recommandation n° 25
Faire un appel d’offre élargi pour le choix des laboratoires d’analyses à retenir pour les Jeux Olympiques, en plus des 5 établissements déjà retenus par la FEI et, le cas échéant, prévoir une phase de tests comparatifs.
Début 2021, lors d’une compétition internationale à Valence, en Espagne, où près de 850 chevaux de concours étaient réunis, un premier cheval présentant de la fièvre a été testé positif à la rhinopneumonie. « À partir de là , tout est allé très vite », raconte Anne Couroucé- Malblanc, vétérinaire équestre mandatée à Valence par la Fédération française d’équitation (FFE). Une vaste campagne de test est lancée sur les chevaux symptomatiques, mais il est trop tard.
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En l’espace de 48 heures, 52 chevaux sont déclarés positifs. Au final « Près de 20 % des chevaux revenus du Valencia Spring Jumping Tour présentent ces symptômes neurologiques», indiquait Christel Marcillaud-Pitel, directrice du Réseau d’épidémio- surveillance en pathologie équine (RESPE). Ce fut le début d’un immense cluster mondial. Il faut évidemment tout mettre en œuvre pour que cet accident ne se reproduise pas. Même si le vaccin n’est pas totalement efficace sur la forme nerveuse, la vaccination reste le meilleur moyen de limiter la circulation de cette maladie.
Il serait aussi prudent de demander un test PCR négatif dans les 8 jours précédant l’arrivée des chevaux dans l’enceinte olympique pour la grippe et la rhinopneumonie.
Recommandation n° 26
Rendre obligatoire la vaccination contre la rhinopneumonie selon un protocole validĂ© en amont par les instances vĂ©tĂ©rinaires responsables, en plus de l’obligation rĂ©glementaire existante contre la grippe Ă©quine pour entrer sur le site des Jeux Olympiques.
Le CSO et le CCE mettent la totalité de l’appareil musculo-squelettique des chevaux à rude épreuve. Cela peut entraîner des conséquences pathologiques qui laissent parfois des séquelles ou une fragilité particulière, propices à des fractures ou des ruptures ligamentaires qui entraînent souvent l’euthanasie du cheval. Il nous semble nécessaire d’écarter des chevaux de la compétition ayant ce type de séquelles ou de fragilités afin de limiter les risques d’euthanasies. Il pourra être fait une exception pour les jeunes chevaux ayant été opérés suite à une OCD (ostéochondrose) avec un certificat vétérinaire de parfait rétablissement.
Recommandation n° 27
Écarter de la compétition les chevaux aux antécédents médicaux non compatibles avec un état de santé optimal (par exemple des antécédents médicaux osseux, ligamentaires ou musculaires ayant entrainé de longs arrêts de travail), nécessaire pour la participation aux Jeux Olympiques. Cet état de santé optimal devra être vérifié en amont par les vétérinaires de la FEI.
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Pour une meilleure observation et impartialité lors des contrôles vétérinaires, un enregistrement vidéo est recommandé.
Recommandation n° 28
Systématiser l’enregistrement vidéo des contrôles vétérinaires (visite avant compétition et examens de sensibilité) pour pouvoir réitérer à la demande le contrôle des allures au ralenti en cas de suspicion de boiterie, en cas de litige ou d’accident ultérieur et en vue d’utilisation pédagogique.
Le règlement de la FEI oblige les juges à faire stopper les épreuves ou à disqualifier le couple cavalier-cheval si le cheval présente des saignements dus à l’action du cavalier au niveau de la bouche du cheval à cause de l’embouchure ou de ses flancs à cause des éperons. L’épreuve n’est donc pas automatiquement stoppée si le cheval saigne pour un autre motif. Cela a entraîné le scandale de Kilkenny à Tokyo, le cheval terminant son parcours maculé de sang sans que la cloche ne retentisse et sans aucune disqualification de la FEI qui a autorisé le couple à poursuivre pour les épreuves suivantes.
Recommandation n° 29
Imposer l’arrêt immédiat d’une épreuve à la moindre trace de sang sur le cheval et l’éliminer du reste de la compétition.
Pour le bien-être des chevaux et diminuer leur stress, un plus grand temps d’adaptation au climat local et au fuseau horaire est conseillé.
Recommandation n° 30
Permettre aux chevaux et leurs équipes d’arriver dans des écuries de pré-compétition dans la région du site des Jeux Olympiques au minimum 15 jours avant le début des épreuves afin de permettre un temps de repos après transport ainsi qu’une habituation au climat avant le début de la compétition.