« Perpète
Lundi matin
Jour sans personne, pas de visite, pas de boulot, mais pas de personnel non plus et du coup … pas de repas, ni de sortie. Je vais grappiller dans ma gamelle les restes d’hier, ça va m’occuper une heure, et puis tourner en rond, je ne peux même pas m’étendre, ma minuscule cellule est tellement souillée…
Mes voisins de bagne sont comme moi, résignés et muets. A quoi bon s’énerver, les parois sont solides et rejoignent le plafond, les barreaux épais ne plieront pas, j’ai tout inspecté mille fois.
Ils ont même fermé le couloir, qui apporte quelquefois
un peu d’air frais et une maigre vue sur l’extérieur.
Mon horizon, le mur en béton qui me cerne, depuis dix ans déjà. Les perspectives ? J’ai renoncé à rêver, je vis au jour le jour, c’est moins douloureux.
Je n’ai jamais de visites. On vient seulement me chercher pour travailler, ou nettoyer ma cellule.
Demain boulot. Rien qui vaille la peine d’être raconté, c’est toujours pareil, trimballer mon fardeau dans tous les sens, rentrer dans ma cellule, un repas rapide, qui brûle mon estomac, puis ressortir, charger un autre fardeau, et recommencer la ronde sans fin. Si mon rythme n’est pas jugé suffisant, je suis battu. Et insulté. Pas de façon exceptionnelle, mais au quotidien, c’est comme ça qu’on est tous traités, ici.
Et les jours suivants seront pareils. Tous les milliers de jours suivants.
Mon espoir ? Quel espoir ?
J’ai pris perpète, sans procès, sans jugement, sans avocat.
Je suis à l’isolement, comme un criminel dangereux …
Ce que j’ai fait ? Rien, absolument rien, j’ai toujours été correct, et respectueux, simplement…
Je suis un cheval »
Extrait du « Journal Décousu d’une Pédagothérapeute«
Marie JEANSON
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